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Plaidoyer pour une forme de patriotisme économique en Afrique

 


Plaidoyer pour une forme de patriotisme économique en Afrique

 

Alors que nous pensions que le monde s’était tourné vers des idéologies politiques calquées sur les deux versants de la pensée économique à savoir le socialisme de gauche d’un côté et le libéralisme de droite de l’autre, force est de constater que la complexité croissante des échanges entre différentes économies fait qu’un  mode de pensée polarisé n’est plus soutenable et limite grandement les outils disponibles à l’action publique dans son ensemble. En effet, Un certain nombre de concepts hérités de Bretton Woods qui ont fait entrer monde dans l’ère du libéralisme sont progressivement abandonnés à la suite d’un certain nombre de chocs.

Alors que la crise des sub-primes suivie par la crise de la dette publique a remis en question le niveau de risques ainsi que l’interconnexion du système financier dans son ensemble, la crise sanitaire actuelle a fait resurgir les dangers d’une interdépendance économique et logistique à l’échelle mondiale. Après les poussées nationalistes des 5 dernières années elle semble donc être un nouveau camouflet au libre-échange et au concept de mondialisation auquel le monde a été accoutumé.

Longtemps considéré comme un idéal d’un autre temps, la notion de patriotisme économique refait progressivement surface. La définition de ce concept n’est pas une affaire tranchée. Les parutions académiques le définissent soit comme une invitation faite aux acteurs économiques à favoriser les activités nationales ou encore comme un sentiment partagé par tout ou une partie des acteurs d’un pays, d’appartenir à un système économique et/ou social national dont il convient d’assurer la pérennité.

Les dernières manifestations de la montée de cette idéologie passent par les âpres négociations du Brexit portant notamment sur l’exploitation de l’espace maritime Britannique, la guerre commerciale entre les états Unis et la Chine ou encore les récentes réglementations Allemandes visant à limiter les participations non européennes dans les secteurs stratégiques.

L’Afrique quant à elle, bien que tentant de trouver sa place dans ce système multilatéral, n’a jamais vraiment réussie son projet d’intégration économique. Il est donc intéressant de questionner ce modèle d’interconnexion régionale plébiscité par plusieurs comme étant le seul à même de faire sortir le continent de sa précarité.

1.     Pourquoi le libre-échange ? 

Ce concept prends son origine dans la théorie d’avantage comparatif de David Ricardo qui prône simplement qu’en se spécialisant dans des secteurs spécifiques pour lesquels une économie possède un avantage comparatif par rapport à d’autres (Géographie, climatologie, disponibilité des matières premières, ou encore main d’œuvre), elle se doit de concentrer ses outils industriels à ce secteur pour sa consommation interne mais aussi pour la consommation globale. Théoriquement, chaque spécialiste trouverait preneur pour sa production vu qu’il la vendrait à un prix défiant toute concurrence car étant le mieux à même de le produire de la manière la plus efficiente.

L’argument essentiel en faveur du libre-échange est donc, pour le consommateur des conditions d’achat (prix) et de consommation (qualité) optimales et pour le producteur la valeur ajoutée de l’industrie dans le reste de l’économie. En théorie, cette valeur ajoutée comprend essentiellement des retombées créées par l’emploi, boosté par la croissance des commandes à l’export,  l’innovation technologique pour accroitre l’avantage comparatif, mais surtout la globalisation des chaines d’approvisionnement. En effet, pour accroitre sa compétitivité, le producteur spécialisé va externaliser un certain nombre de composantes de sa production en se tournant à son tour vers une série de spécialistes ayant un avantage comparatif dans chacune des composantes permettant ainsi une production encore plus efficiente du produit fini et une création de valeur qui s’étend à présent sur d’autres économies. L’Afrique a particulièrement bénéficié de ce type de valeur ajoutée.

Largement relayés par la presse spécialisée ces deux dernières années, les liens commerciaux entre l’Ethiopie et la Chine en sont un bon exemple. En effet, l’Ethiopie a inscrit la stratégie de délocalisation industrielle Chinoise au centre de sa politique de diversification économique, envisageant de créer près de 2 millions d’emploi à l’horizon 2025.  Le PIB Ethiopien s’est vu multiplié par deux pendant que son taux de pauvreté lui, était divisé par deux sur la période allant de 2010 à 2017. 

Bien que fondamentalement industriel, le libre-échange touche également la sphère digitale. Le phénomène dit de mondialisation numérique consiste en un processus par lequel des services digitaux annexes viennent se greffer aux processus industriels et aux échanges qui en découle tel que décrit ci-haut. Cela permet donc à un certain nombre de PME, aussi bien sur un marché local que sur des marchés affiliés, de mettre sur pied des services tels que des plateformes logistiques en ligne, des services de réservation ou encore des sites de ventes avec tout un impact positif sur l’emploi, l’innovation et le PIB des économies concernées.

2.     Critiques

Traditionnellement, l’une des critiques les plus acerbes du libre-échange se trouve dans la destruction des opportunités d’emploi et/ou de l’affaiblissement du tissu entrepreneurial local constitué de fabricants de produits non spécialisés ou dont la spécialisation requiert un faible niveau de qualification.  C’est le cas actuel de la majorité du continent Africain dont la présence sur la scène du commerce international se limite à l’export de matières premières avec un gain limité en valeur ajoutée.

En dépit des règles qui régissent les échanges internationaux, une autre critique récurrente concerne un certain nombre de barrières à l’import imposées par les économies développées empêchant la création d’échanges productifs d’avec les économies émergentes.  Celles-ci passent par des impositions de droits d’entrées ou par des subventions gouvernementales dans le secteur agricole notamment.

Enfin, au vu de sa faible intégration dans le système financier international, l’Afrique souffre tout particulièrement d’un déficit de capitaux qui limite d’avantage la compétitivité à l’export du déjà très frêle tissu économique local.

3.     Et en même temps :

Il existe cependant un point d’équilibre entre les politiques de libre-échange et celles qui prônent une forme de patriotisme économique. Celui-ci passe par la régulation, la réglementation et la surveillance.

Le respect des règles du commerce international en fonction des aspects spécifiques de la compétitivité d’une économie à une autre en sont le fondement.

Cependant, ces règles sont standardisées et de nature à bénéficier aux économies déjà engagées dans les activités d’échanges. Elles sont donc peu adéquates à la création de nouvelles dynamiques d’import-export. La très probable nomination de Mme Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des Finances du Nigeria, à la tête de cette institution pourrait contribuer à l’établissement d’un cadre plus propice aux échanges liés à l’Afrique.

L’application de ses règles devra ensuite se concentrer sur l’administration de pans clés des économies Africaines. Ces secteurs dits « stratégiques » pourraient être définis en fonction d’indicateurs tels que leur rapport au PIB, l’impact sur l’emploi, l’importance de la chaine de valeur ajoutée ou selon leur rapport à la souveraineté économique du pays.

Enfin, ces règles devraient être étroitement surveillées mais surtout être assez flexibles pour permettre de les amender en fonction de l’évolution de l’environnement global, de la désignation de nouveaux secteurs stratégiques ou encore de changements de politique internationale des principaux partenaires d’échanges.

Dans cette optique, l’intégration économique Africaine, dont la Zone de libre-échange continental Africaine (ZLECAF) est la dernière-née, pourrait enfin amener le continent vers une indépendance économique désespérément recherchée.

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